Le soir tombait… Non, impossible. Le temps était couvert à cause de l’attaque extraterrestre. Un ciel de fin du monde. Et c’était la fin du monde… Je songeai à courir au village pour acheter du sel. Mais je ne tenais guère sur mes jambes. Et puis, acheter… Il n’y avait certainement personne pour me vendre du sel ou n’importe quoi d’autre. Personne, jamais, plus pour vendre ou acheter. J’étais seul. Je pouvais aller au village, entrer dans le bistro-épicerie de la mère Lagrange et me servir tout seul… Tout seul. J’étais seul. Et puis, il y aurait le corps de la patronne. Dans quel état… ? D’autres corps, peut-être, sur la route, sur la place du village ou à la terrasse du café. Presque tous ces cadavres seraient ceux d’une bande d’imbéciles, en partie responsables de leur mort, par leur refus de regarder la vérité en face et d’admettre l’existence des extraterrestres. Ils l’avaient cherché !
Né en 1934, Michel Jeury publie Aux étoiles du destin – écrit à dix-sept ans – dans la collection « Le Rayon Fantastique » en 1960. Le roman est salué comme une révélation. Après treize ans de silence, il publie Le Temps incertain, premier d’une liste de chefs-d’œuvre qui imposeront Jeury comme le chef de file de la nouvelle vague française des années 1970.