L'auteur du Prince écorché – notre « chouchou award » de l'année, catégorie Fantasy – est hors du commun, comme son bouquin. Rassurez-vous, Mark n'est pas un psychopathe comme Jorg. On vous propose même de vous en rendre compte par vous-même dans l'entretien ci-dessous. :)
Avant toute chose, pourriez-vous vous présenter à vos futurs lecteurs?
Salut les lecteurs ! Je m'appelle Mark, je suis un type tout ce qu'il y a de plus normal et j'habite au Royaume-Uni. J'ai la quarantaine, quatre enfants, et je suis scientifique de profession. J'ai passé ma journée à travailler avec un Français pour qu'un ordinateur reconnaisse les objets par image radar, en utilisant un algorithme plutôt costaud fourni par nos collaborateurs de l'université d'Oxford. Une belle partie de rigolade, en somme. Je passe la plus grande partie de mon temps libre à m'occuper de ma plus jeune fille (sept ans) qui est gravement handicapée. Tard, la nuit, j'écris.
Quelles sont vos lectures favorites ? Celles qui vous ont inspiré?
Je suis très éclectique. George R.R. Martin est mon auteur de Fantasy préféré, mais Robin Hobb n'est pas loin derrière. Martin a construit un monde aussi gigantesque que complexe auquel je suis très attaché. En général, ce genre de chose me laisse froid, car je trouve ça trop classique ou trop arbitraire, mais lui a réussi à me passionner. Hobb et Martin mis à part, je ne suis pas assidûment d'autres auteurs en Fantasy, je me contente de suivre les recommandations au sujet de certains livres. Je lis un peu de tout, mais j'ai tendance à revenir régulièrement vers William Golding, John Irving et Soljenitsyne. Je me suis même essayé à la littérature française. J'ai lu pas mal de Sartre et aussi Simone de Beauvoir. Il faut aussi noter que j'ai grandi avec Goscinny et Uderzo !
Comment l'histoire de Jorg a germé dans votre esprit?
Je me suis contenté d'écrire. Je ne prévois jamais rien. L'inspiration est venue d'Orange mécanique, d'Anthony Burgess. Je voulais savoir si je pouvais créer un personnage violent et immoral auquel le lecteur s'attacherait malgré lui, grâce à son charisme et à l'histoire cachée entre les grandes lignes du récit.
Couverture du premier tome, par Victor Manuel Leza.
Le roman étant écrit à la première personne, vous étiez littéralement dans la psyché de Jorg. Comment procédiez-vous pour y entrer ? Et une fois sorti, comment vous sentiez-vous?
La phrase « Ses doigts se resserrèrent autour de la gorge de la vieille femme et la chair s'assombrit autour d'eux. Il sentit toute résistance l'abandonner » devient : « Mes doigts se resserrèrent autour de la gorge de la vieille femme et la chair s'assombrit autour d'eux. Je sentis toute résistance l'abandonner. » La première n'est pas plus difficile à écrire que la seconde. Mais il y a quelque chose sur le style à la première personne, qui fait que les gens la pensent plus perturbante. Si vous faites l'opération inverse, ce qu'on lit dans Le Prince Écorché est moins malsain que certaines scènes tirées de l'œuvre de George Martin, par exemple, ou de nombreux polars où l'on pourchasse les meurtriers. Pour répondre à la question, j'étais autant dans la tête de Jorg que n'importe quel écrivain l'est dans celle de son personnage, et non, ça ne m'a pas dérangé, et non, je ne pense pas que ça fasse de moi quelqu'un de mauvais.
Votre livre a été plébiscité par des personnes qui font aujourd'hui partie de vos pairs, comme Peter V. Brett ou Robin Hobb. Quelle a été votre réaction en lisant leurs commentaires?
Ça m'a fait plaisir. Je n'ai jamais écrit dans l'espoir d'être publié. Être un auteur n'est pas le rêve de ma vie, et cette expérience est aussi surréaliste qu'étonnante. Quand quelqu'un comme Robin Hobb, dont j'adore le travail, vante les mérites de mon livre, je trouve ça très gratifiant bien sûr. Mais à part être content, je ne sais pas trop ce que je dois faire. Je ne suis pas du genre à courir partout et à payer des cigares à tout le monde.
Le Prince Écorché est un pavé dans la mare de la Fantasy anglo-saxonne. Pensiez-vous que votre roman ferait naître une telle polémique lors de sa parution, et comment avez-vous vécu la chose?
Même si je serais plus que content de lâcher un pavé dans la mare, je n'ai pas conscience d'une telle polémique. En fait, la plupart des réactions ont été assez positives. Il y a toujours des gens pour critiquer les œuvres de fiction, bien entendu. Bah, tant pis pour eux ! Tout ce que j'ai pu endurer en tant que romancier n'est même pas le dixième de ce que je dois affronter chaque jour en tant que père d'une enfant handicapée. Et même si la polémique était cent fois plus importante, elle ne me toucherait pas.
Que pouvez-vous nous dire sur la suite de L'Empire Brisé?
Je peux vous dire que j'ai terminé la trilogie il y a plus d'un an et que je travaille sur de nouveaux projets. Chaque livre est différent, car je n'aime pas me répéter. Ainsi, on va assister à l'évolution de Jorg au cours de sa vie et voir pas mal de pays, car c'est plutôt un baroudeur. Et sinon, je peux révéler que… le contexte se précise d'un livre à l'autre, et même les moins observateurs comprendront que Jorg est techniquement français.
Illustration de Jason Chan pour le tome 2 de L'Empire brisé.
Vous pouvez nous en dire un peu plus sur vos autres projets?
J'en ai plusieurs sur le feu. En ce moment, je bosse sur un mélange insolite de pistoléros et de Fantasy. J'ai eu cette idée bien avant d'entendre parler de La Tour sombre de Stephen King. Depuis, je l'ai lu en entier, mais il n'y a que de très vagues similitudes.
Enfin, pourriez-vous décrire votre livre en trois mots?
Je pourrais utiliser les trois mots du titre ! Mais sinon : « Deeper than anticipated. » (Littéralement : « Plus profond que prévu. ») Qu'en dites-vous ?