Je pense que vous en conviendrez :, on n’est pas les derniers à vous décrire les coulisses de Bragelonne, et de l’édition en général. On échange autant que faire se peut avec vous et on en est pas peu fiers. Et ça va continuer, puisqu’on inaugure aujourd’hui sur nos blogs une nouvelle rubrique. Vous l’aurez compris rien qu’à la vue de ce titre, il sera question d’e-books…
Le lancement de l’offre numérique de Bragelonne ayant été fait il y a quelques semaines, on prend maintenant le temps d’en parler de façon plus ouverte. Très ouverte. Le sujet est vaste et passionnant, et parce que le mieux placé pour en parler c’est Alex, il prend le contrôle de cette rubrique qui se voudra mensuelle. Je vous laisse entre ses mains expertes…
Le numérique chez Bragelonne… par où commencer ?
Hmm. Je m’appelle Alexandre et j’ai 26 ans. Je m’occupe, entre autres, du numérique chez Bragelonne. Parce que je suis tombé dedans quand j’étais petit et qu’on m’a greffé des joypads à la place des mains. Enfin, c’est ce que dit mon boss… Il est très moqueur pour quelqu’un qui a participé aux championnats de France Atari alors que je n’étais pas né. Oui, il est moqueur, vieux et barbu aussi. Ce n’est pas incompatible.
Au jour où j’écris ces lignes, cela fait un mois que nous avons lancé notre offre numérique et je peux enfin parler un peu de cette drôle d’aventure.
Le numérique chez Bragelonne pourrait se résumer à ceci : 3 ans de recherches sur le média et d’analyse du marché, 9 mois de travail, 73 nuits blanches, 1 647 litres de café, 187 623 lignes de code, sans parler d’engueulades, de plantages, de formatages, de joies, d’engueulades, de parties de Guitar Hero, d’heures de test sur les différentes liseuses existantes (readers), d’engueulades, de stress, d’attente, de frayeurs de dernière minute, et enfin de soulagement.
Tout ça pour dire que le numérique, c’est pas aussi simple qu’on le dit. Non, en fait, le numérique c’est très compliqué. C’est un nouveau métier, qu’on croit maladroitement fondé sur celui du papier, mais en fait totalement différent. Le numérique c’est un peu comme si nous étions tous sur la ligne de départ sur la côte Est des États-Unis et qu’on se lançait à la conquête de l’Ouest. Au final nous savons tous que nous arriverons de l’autre côté, la seule question étant de savoir si nous passerons plutôt par le Midwest ou par le Texas. (Sympa ce petit bled d’Alamo. Si on s’installait là ? On devrait être peinard !)
Le numérique ce n’est pas un effet de mode, en tout cas, pas pour nous. Le numérique c’est demain. Mais « demain » ne va pas tuer le papier. Le numérique c’est un marché complémentaire au potentiel énorme et pour ma part je ne vais pas arrêter d’acheter du papier sous prétexte que le numérique existe. Encore une fois cela n’a pas de sens. J’ai grandi avec le papier, j’aime son odeur, son toucher et, en plus, je suis collectionneur. Pourquoi arrêter de boire de l’expresso sous prétexte que l’instantané existe ? Le numérique et le papier sont faits pour s’entendre.
Le numérique, pour nous, ce sont des heures de travail mais c’est par-dessus tout une merveilleuse aventure. Alors il est vrai que tout au long de ce projet nous n’avons pas arrêté de découvrir de nouvelles failles (plus communément appelées « couilles dans le pâté »), de nouveaux process (plus communément appelés « bon, on refait tout, pareil, mais autrement »). Il est important aussi que vous sachiez que pour la création d’un e-pub (format du livre numérique) il ne suffit pas de cliquer sur un bouton et de faire « enregistrer sous ». Ou alors vous ne faites pas de l’édition ; car une histoire, qu’elle soit en papier ou dématérialisée, se met en page, et donc se réfléchit, se compose, se travaille et s’améliore.
De fait, s’il y a bien une personne à remercier chez nous c’est Émilie, notre responsable de fabrication en charge du numérique. Sans elle rien n’aurait été possible. Et pourtant ce n’était pas gagné.
Elle pensait avoir signé pour une croisière aux Bahamas et cela s’est vite transformé en voyage au bout de l’enfer… Pourtant c’est « normal » d’avoir à effectuer 8 fois la maquette d’un même e-pub pour ne toujours pas récupérer nos italiques et nos gras, non ? Et puis c’est la crise ma bonne dame, c’est « normal » d’augmenter ses tarifs de conversion de 200 % entre 12 et 14 heures soit-disant parce qu’on « négocie trop bien » avec le commercial de l’époque. Les temps sont durs. Ah, et il paraît « logique » de se taper l’extraction de 60 titres pour en vérifier toutes les métadonnées et les tables des matières pour constater au passage les fautes d’orthographes ajoutées par le prestataire à moins de 24 heures du lancement. Ça vous choque ? Pas nous. Franchement, aujourd’hui, on est au-dessus de ça…
Au-dessus de tout ça, comme au-dessus des quelques 60 prestataires de services que nous avons « essayés » ou avec lesquels nous avons travaillé pour mener à bien ce projet numérique. Des prestataires des 5 continents, il faut dire. Des prestataires à la pointe de la technologie, et certains dont on parle beaucoup dans les médias, ou qui ont pignon sur rue. Des prestataires pour qui tout est « normal » ou « logique », mais qui en fait, dans leur vaste majorité préfèrent passer leurs journées à se regarder dans le miroir. Alors effectivement, un tri va se faire, tout naturellement, et nous ne désespérons pas de trouver un jour des gens compétents dans ce domaine. Mais pas compétents qu’un peu. Compétents vraiment. Beaucoup. Sur tout le sujet. La débauche d’énergie que nous avons dû dépenser pour réparer ces conneries « normales » et « logiques » est tout bonnement hallucinante.
Chez Bragelonne, on n’aime pas forcément se la péter. Mais nous pouvons dire que, aujourd’hui, nous somme l’une des maisons d’édition les plus avancées de France, si ce n’est d’Europe, sur la production numérique. Ce qui, à mon humble avis, est tout aussi hallucinant que l’amateurisme des autres. Alors, oui, tout est perfectible et tout n’est pas encore optimisé mais on y travaille 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Bref comme vous avez vu, un plan sans accroc…
… ou presque. Car Émilie n’était pas seule dans sa galère, même si de mon côté c’était davantage le Gouffre de Helm mais sans la charge du Rohan… À l’heure actuelle, on est toujours en train de tenir les remparts. Parce que « normalement » on pouvait « logiquement » se dire qu’après toutes ces emmerdes, c’était pas bien compliqué de mettre en vente les fichiers. Trois clics bien placés et roule ma poule ! C’était sans compter sur le fait que certains préfèrent référencer vos ouvrages en se fondant sur les ouvrages papiers. Qui a dit que Pleine Lune était écrit par Arthur Kerie ? Mmmh. C’était sans compter sur ceux qui préfèrent utiliser des visuels scannés des couvertures plutôt que nos propres fichiers « tout beaux tout propres ». J’avoue le choix est cornélien, d’un côté un timbre poste, de l’autre une devanture d’immeuble. Mmmh que choisir ? Sans parler de l’entrepôt numérique qui prend feu, de la mise à jour qui efface tous nos bouquins comme un télécran, des premiers tomes des séries qui ont été capturés par Tron alors que le MCP a bien mis les tomes deux et trois à la vente, parce qu’il est comme ça, le MCP, et il t’emmerde. Alors que fait-on dans ces cas-là ? Bah on rajoute un peu de whisky dans son café et on reprend les nuits blanches pour que ca passe. Et puis comme Gandalf vient de nous envoyer un mail comme quoi il est retenu à la taverne du Rohan et que c’est Happy Hour, on n’est pas sortis de l’auberge…
Et enfin, il y a vous.
Vous qui nous soutenez, vous qui nous mettez du baume au cœur en postant des avis tous plus élogieux les uns que les autres, vous qui vous êtes jetés sur les premiers titres dès le lancement même si tout n’était pas disponible partout. Vous qui croyez en Bragelonne. Vous qui avez fait, par exemple, de Légende de David Gemmell le numéro 1 des ventes sur l’iBookstore d’Apple en seulement 48 heures. Du fond du cœur je tiens à vous dire merci.
Vous m’avez convaincu que nous sommes sur la bonne voie, qu’il reste encore énormément de choses à faire mais que vous ne serez pas là contre nous, mais avec nous.
Alexandre
P.S. : Au fait, on n'a pas trouvé de titre marrant pour cette rubrique. On est preneur, si vous avez des suggestions !