Comme vous le savez, Les Chants de la Terre est notre petit chouchou de cette fin d'année 2011. Il y a quelques jours de cela, Stéphane vous a expliqué pourquoi. Aujourd'hui, c'est au tour de l'auteure elle-même de vous inviter dans son petit monde.
Dans l'entretien qu'elle bien voulu nous accorder, Elspeth Cooper nous explique comment elle est tombée dans l'écriture, et quelle a été sa réaction face au phénomène qui a entouré son premier livre. Elle retrace également les différentes étapes de la vie du livre et nous parle de son personnage ô combien attachant, Gair.
Rassurez-vous, tout ce qui suit est totalement vierge de spoilers, vous pouvez y aller sans craintes. :)
Bonne lecture, et rendez-vous dans quelques jours pour découvrir d'autres interviews, notamment d'Isaac Marion (Vivants) et d'Ari Marmell (L'Ombre du Conquérant).
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VERSION FRANÇAISE
(English version below)
Bonjour Ellie. Pour commencer, pourriez-vous vous présenter à vos nouveaux lecteurs ?
Je viens du Nord-Est de l'Angleterre. J'y habite et j'y travaille depuis toujours. Pour m'endormir, mes parents me lisaient Ivanhoé. En grandissant dans cette région regorgeant de châteaux, de monastères, et riche d'une importante Histoire, impossible de ne pas devenir amatrice de littérature fantastique. J'écrivais depuis 25 ans des tas de trucs et de machins et de morceaux d'histoires, avant que mon mari ne me persuade d'adresser mes efforts à une maison d'édition. À ma grande surprise, j'ai vite trouvé un agent, et lui me trouva un éditeur peu après. Et la machine continue de rouler. Je vis avec mon mari près d'un ancien village de mineurs en Northumbrie, nous avons deux chats, deux motos et tous les livres que j'ai achetés au cours de ma vie.
Votre éditeur anglais vous présente comme la révélation Fantasy, la meilleure surprise depuis Le Nom du Vent. Quelle a été votre réaction en l'apprenant ?
Au début, j'étais tellement ébahie, que je voulais fuir pour me cacher ! Mon petit roman mentionné dans le même souffle que Pat Rothfuss ! Mon Dieu ! C'était incroyable. On parle vraiment de moi, là ? Puis, après un certain temps, j'ai compris qu'il ne s'agissait pas d'une espèce de blague plutôt bien montée. On parlait de moi et c'était du vrai, du concret. Bien sûr, je suis extrêmement flattée. Je suis aussi très reconnaissante vis à vis de mon éditeur, de son enthousiasme pour Les Chants de la Terre. On établit toujours des comparaisons avec des auteurs confirmés, cela fait partie du procédé pour implanter un romancier débutant sur le marché. Mais j'espère que mon livre tient la route et qu'on peut le juger pour son seul mérite, plutôt qu'en le comparant au travail de quelqu'un d'autre. J'en suis fier, quoi qu'il arrive ensuite.
Comment est né ce roman ?
Tout pat d'une scène : Gair, nu dans les ténèbres, affrontant le pouvoir du Chant et effrayé à l'idée que si ce dernier lui échappe, quelque chose d'horrible pourrait arriver. Je venais de rompre avec mon fiancé de l'époque. J'étais si déçu et en colère, que j'étais sur le point de craquer. Une vraie fureur incandescente. Je n'arrivais pas à dormir et je me suis donc mise à écrire pendant une semaine sans m'arrêter pour gérer toute cette énergie négative. Cette scène en est le résultat. Une fois lancée, je ne pouvais plus m'arrêter. Je devais découvrir l'identité de ce jeune homme, d'où il venait et, plus important encore, ce qui allait lui arriver ensuite.
Pourriez-vous nous raconter comment s'est déroulée la suite du processus ?
Pour citer George R.R. Martin, je suis plus une jardinière qu'une architecte. J'écris avec mes tripes, je laisse l'histoire évoluer avec les personnages et les situations dans lesquelles ils se trouvent. J'ai une idée assez précise du début et de la fin, ainsi que quelques moments clefs du récit, mais je découvre autant que le lecteur le chemin qui relie ces différentes étapes. Par le passé, j'ai essayé de planifier mes histoires, mais ça ne marche pas. J'ai une idée pour une scène, dès lors, j'imagine la suite du récit qui en découle, et je plonge pour suivre le courant. Je suis terriblement dissipée, non ? Après cette première scène, j'ai écrit Les Chants de la Terre par à coups sur une période d'environ 15 ans. Je m'en occupais durant mon temps libre alors que je travaillais à plein temps, qu'on me diagnostiquait une sclérose en plaque, que je déménageais et que je me mariais. Coincée au milieu de tout ça, j'ai finis par écrire la fin. J'ai alors compris que j'avais fait fausse route : ne pas l'écrire plus tôt était la raison de ce blocage. Alors j'ai retravaillé le texte, et retravaillé encore. Enfin, en 2007, j'obtins une version qui me plut et je me sentis prête.
De par son éducation, Gair est un personnage innocent, qui découvre peu à peu la terrible réalité de son monde tout en se retrouvant avec des responsabilités écrasantes. Comment décririez-vous son évolution ?
Gair a du grandir vite. C'est un bretteur accompli, mais il n'a jamais eu à utiliser ses compétences contre un adversaire de chair et de sang. On lui a appris le respect et la galanterie, mais il ne sait pas comment réagir quand une femme lui demande d'être très impertinent avec elle. Il découvre que tout ce que l'Église lui a enseigné est un mensonge. Elle a transformé un acte d'un courage extraordinaire en une hypocrisie à couper le souffle. Il accepte mieux certaines révélations que d'autres, mais toutes vont l'affecter d'une manière différente, et certaines laisseront des cicatrices.
Quel message véhicule votre roman ?
Y'en a-t-il un ? Ce n'était pas mon but. Mais en y réfléchissant bien, il doit s'agir de l'importance de prendre ses responsabilités. Que les actions ont des conséquences. Alderan, son mentor, insiste à ce sujet pendant la première leçon de Gair. C'est aussi ce qui pousse un autre personnage à chercher la vérité au milieu des mensonges de l'Église et de son Histoire réécrite. Il s'agit de ce que l'on devient, de nos choix, et de nos erreurs, tout ce qui nous fait de nous ce que nous sommes.
Quels sont vos auteurs favoris ? Ceux qui vous ont inspirée ?
J'ai un appétit obscène pour les livres, mais je n'ai malheureusement plus assez de temps pour le satisfaire, ces derniers temps. Des tas d'auteurs m'ont inspirée et de plusieurs manières différentes. Guy Gavriel Kay et Robert Holdstock, Melanie Rawn, Tad Williams… Voila certaines personnes qui m'ont donné envie de « faire comme eux ». Je suis avant tout une amatrice de Fantasy, mais je lis de tout : de la fiction historique, de la romance, du polar, du fantastique, tout ce qui m'attire.
La question piège, maintenant: Pouvez-vous nous résumer votre roman en trios mots?
Je déteste ce genre de question. Je n'ai jamais su résumer mon travail en une pauvre petite phrase toute maigre, comme l'accroche d'une affiche de film. Épopée. Héroïque. Fantastique. Ça vous va ? (Note de Cesba : Oh que oui !)
Que pouvez-vous nous dire au sujet de la série sans gâcher le suspense pour les lecteurs du premier tome ?
Trinity Moon, le second tome, est un peu plus sombre. Les événements des Chants de la Terre ont changé Gair et il est devenu un peu plus dur, en quelque sorte. Mais il doit encore faire des choix difficiles. L'action quitte les îles de l'Ouest pour d'autres régions de l'Empire. On découvre de nouveaux niveaux d'intrigues, de nouveaux personnages apparaissent pour faire la lumière sur certaines zones mystères non résolus dans le premier tome. Certains visages familiers prennent plus d'importance aussi, et notamment un certain guérisseur roux.
Quels sont vos projets ?
Je termine les corrections du second tome, et ensuite, je dois terminer le troisième, The Dragon House. Après, j'ai une idée pour un autre livre se déroulant dans le même monde. Et plus tard… Je ne sais pas. J'essaie de me concentrer sur mon boulot du moment. Je veux éviter de me laisser distraire par un embryon d'idée et je ne veux surtout pas laisser mon esprit vagabonder.
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ENGLISH VERSION
To begin with, could you introduce yourself to the French readers?
I'm a native of the north east of England, and have lived and worked there all my life. My parents read me Ivanhoe as a bed-time story, and growing up surrounded by the rich, troubled history of the North East, with its castles and monasteries, made it inevitable that I would end up a fan of all things fantastic. I'd been scribbling bits and pieces of stories for over 25 years before my husband persuaded me that after all that effort, I really ought to try for publication. To my surprise, I found a literary agent in short order, then he found me a publisher soon after, and here we are. I live on the outskirts of a former mining village in Northumberland with my husband, two cats, two motorbikes, and every book I've ever bought.
Your English publisher introduces you as the new revelation of Fantasy, the biggest and best surprise since The Name of the Wind. How do you react to this praise?
At first, I was so daunted I wanted to run away and hide! My little book, mentioned in the same breath as Pat Rothfuss - oh my! It was surreal, to begin with. Are they really talking about me? Then after a while, you realise it's not an elaborate practical joke, they are talking about you, and this really is happening. I'm tremendously flattered, of course, and grateful that my publisher is so enthusiastic about Songs of the Earth. Parallels with established authors will always be drawn - it's part of positioning a debut author in the marketplace - but I hope the book can stand and be judged on its own merits, rather than in comparison to someone else's work. I'm proud of it, whatever happens.
How did the idea for the book take form in your mind?
It all came from one scene: Gair naked in the dark, wrestling with the power of the Song, afraid that if it got loose something awful was going to happen. I'd just broken up with my then fiancé, and was so disappointed and angry that I thought I was about to explode. Real, incandescent fury. I couldn't sleep, so I stayed up all night for a week writing, as a way to deal with all this negative energy, and what came out was that scene. Once I'd started, I couldn't stop: I had to find out who this young man was, where he'd come from, and more importantly, what was going to happen to him next.
Songs of the Earth is your first novel. Could you tell us about the writing process?
I'm more a gardener than an architect, to borrow a phrase from George R.R. Martin. I write very organically, letting the story evolve from the characters and the situations they are in. I have an idea of the beginning and the end, and a few landmarks to hit along the way, but how I get to each of those points is a voyage of discovery for me as much as it is for the reader. I've tried to plan stories out, but it doesn't seem to work for me. I'll get an idea for a scene, and then my mind's eye sees the story unrolling from there and I just dive in and follow it. Terribly undisciplined, isn't it? From that first scene, Songs of the Earth was written in fits and starts over a period of around 15 years. I fitted it in around a full-time job, getting diagnosed with multiple sclerosis, moving house, and getting married. I got stuck in the middle, jumped ahead and wrote the ending, realised I'd taken a wrong turn which was why I was stuck, and went back and fixed it. Finally, in 2007, it was done. I edited it, then edited it again really hard in 2008, and by summer 2009 I had a version that resonated with me, and this time I knew it was ready.
By his education, Gair is a very innocent character who gradually finds himself faced with the difficult reality of his world, as well as burdened with overwhelming responsibilities. How would you describe his evolution?
He has to grow up fast. He's a trained swordsman, but he's never had to use his skills in earnest, against a flesh and blood opponent. He's been brought up to be respectful and courteous to women, then finds himself all at sea when a woman indicates that actually, she'd like him to be very disrespectful indeed. And he discovers that everything he's been taught by the Church has been twisted to cover up an act of extraordinary courage with the most breathtaking hypocrisy. Some of these revelations he handles better than others. They will all change him in different ways, and some of them will leave scars.
What is the underlying message of your novel?
Is there one? I didn't intend to put one in there! Thinking about it, I suppose it comes down to the importance of personal responsibility. Actions have consequences - Alderan stresses that to Gair in his first lesson, and it's what drives Ansel to seek the truth amongst the Church's obfuscation and rewritten histories. It's about what you make of yourself, and how your choices and your mistakes shape you as a person.
What are the authors that you like to read or who are an inspiration for you?
I have an obscene appetite for books, but sadly not much time to enjoy reading these days. I've been inspired by so many different writers in different ways: Guy Gavriel Kay and Robert Holdstock, Melanie Rawn and Tad Williams. They're some of the people who made me think "I want to do this." I am first and foremost a fantasy fan, but I will read almost anything: historical fiction, romances, thrillers, crime, contemporary fiction, whatever catches my eye.
And now the tricky but inescapable question: sum up your book in three words!
I hate questions like this - I never know how to distil my books down to one short, pithy sentence, like a tagline on a movie poster. Epic fantasy adventure. How's that?
What can you tell us about the development of the series without spoiling the fun for the readers of the first novel?
Book 2, Trinity Moon, is quite a bit darker. Events in Songs of the Earth have changed Gair, and he's developed something of an edge. He's got some hard choices ahead of him, too. The action moves away from the Western Isles into other parts of the Empire, plot layers are peeled back, and it introduces new characters who will shed light into some of the shadowy corners left unexplored in Book 1. There's a few familiar faces given larger roles as well, such as a certain red-haired Healer.
And what are your current projects?
I'm finishing up revisions to Book 2 just now, then I have Book 3, The Dragon House, to complete. After that, I have an idea for another book set in the same world. Beyond that... I don't know what will happen. I'm trying to stay focused on the job in front of me, so I don't get distracted by a passing notion and wander off after it!