Le récit de l'ami Jean-Claude continue !
Ils sont de retour…
Je m’inquiétais un peu, je dois dire. J’avais déjà repéré les barbes, les shorts tous plus hideux les uns que les autres – le modèle Tyrolien a visiblement trouvé son biotope à la convention –, j’avais contemplé les cravates de David Hartwell soigneusement rangées sur leur rack, mais rien d’autre, ce qui était quand même inquiétant. Et là, ce matin, en arrivant, je l’ai vue.
Ma première fée.
Les costumes sont là. "Back with a vengeance", comme disent les Canadiens anglophones. On croise des chattes coquines qu’on croirait sorties d’Alice au Pays des Merveilles, des Pirates des Caraïbes, des volées d’écolières de Poudlard, un garde de Star Wars en train de surveiller le stand Bragelonne, un tout petit gamin déguisé en Dark Vador ("Luke, je suis ton fils"), et toutes les variations possibles sur le thème de la danse du ventre.
Et tous ces gens prennent la pose avec délice ("je me suis entraîné des heures devant mon miroir," m’a confirmé une bayadère dont je préfère la pose naturelle à celle, très travaillée, qu’elle a choisi d’adopter quand elle a vu que je la photographiais). Du coup, les couloirs interminables se peuplent d’une faune délicieusement alien, qui virevolte, s’immobilise sur la pointe des pieds, esquisse un pas de danse avant de repartir. Les sourires se font mystérieux, les éclairs des flashes rythment notre progression d’un panel à l’autre. Ce matin, on a parlé de l’art délicat des collaborations littéraires, du paysage comme personnage, de la façon de contrôler les armes dans une convention (un sacré défi, vu qu’une personne sur vingt porte un pistolaser, une épée ou un machin inidentifiable qui clignote de façon menaçante). Même les trophées du Hugo, malgré leur forme ouvertement phallique, sont enfermés sous clé.
A midi, je me réfugie dans la Green Room, une salle réservée aux panelists où on peut grignoter du fromage Nord-Américain multicolore ou des légumes crus à tremper dans du guacamole. Des fans de toutes les nationalités parlent de leurs auteurs locaux, je retrouve mon éditeur Hongrois, Attila Nemeth, qui m’annonce qu’Étoiles Mourantes paraîtra en Hongrie avant la fin de l’année. Chic ! Au bar d’en bas, j’entends des échos d’autres panels que j’ai manqués… Le récit de la présentation des prix internationaux par Jeanne-A Debats, au sommet de sa forme, est un pur moment de surréalisme multiculturel. Si elle ne le raconte pas sur son blog, avec tous les détails, je ne lui donnerai pas sa photo avec Silverberg. Na !
Dans un des recoins du palais des Congrès, les musiciens de Filk accordent leurs instruments. Le Filk est une tradition des Conventions de SF, qui consiste à détourner des chansons en transformant les paroles. Le terme Filk est d’ailleurs né d’une faute d’impression du mot Folk sur un programme de Convention, il y a bien des années. Tous les sujets imaginables de SF ou de Fantasy s’y retrouvent (il faut entendre la complainte déchirante de Luke Skywalker exprimant son amour à la Princesse Leila sur un air d’ABBA – j’étais abba-sourdi…). S’il y en a encore parmi vous qui croient que l’Imaginaire est une affaire sérieuse, il est temps de faire votre autocritique.
Et le soir, l’hôtel Delta, à quelques mètres du Palais, se remplit d’une foule bigarrée qui cherche à atteindre le 28ème étage où ont lieu les Partys. Tout le monde en organise – les éditeurs, les candidats à l’organisation des prochaines Conventions, les groupes de fans de divers pays, voire les auteurs à succès. On y boit, on y flirte beaucoup (en hurlant à cause du bruit), et il faut faire la queue pendant une demi-heure pour avoir le droit de grimper dans les ascenseurs ultrarapides qui nous emmènent jusqu’en haut de la tour. La vue, en tout cas, est superbe. Le damier scintillant de Montréal s’étend jusqu’à l’horizon, traversé par le fil d’argent du fleuve.
A l’intérieur des suites de réception, à l’entrée de la Bragelonne Party, je croise Mike Resnick, qui semble avoir rajeuni, Julie Czerneda, dont j’avais vraiment aimé la série Species Imperative et qui insiste pour que je lui dédicace mon recueil en anglais, Trudi Cavanan, ravie de ses couvertures françaises… En fait, les Partys réussies sont une représentation en réduction des conventions, avec de quoi boire en plus.
Olivier Dombret jaillit des placards comme un diable à ressort. Il fait si chaud que j’envisage de me coucher dans la baignoire remplie de glaçons hérissés de bouteilles de bière et de sodas en boîte. Mais je préfère rentrer à mon hôtel en serrant contre moi le sac qui abrite mes trouvailles de la journée. Elisabeth Vonarburg m’a offert son dernier livre, je ne ferai pas l’erreur de l’ouvrir ce soir car je risquerais de ne pas m’endormir de sitôt. Demain, nous parlerons de choses délicieusement sans importances avec le sentiment que, pour une fois, le centre du monde se situe juste sous nos pieds. Je vous poutoune…
À suivre…