Entre la récente réédition en e-book de L’Œil du Temps et la parution imminente de sa suite, Tempête solaire, le moment me semble bien choisi pour revenir sur L’Odyssée du Temps d’Arthur C. Clarke et Stephen Baxter.

Pour ceux qui se demandent en quoi cette série méritait un tel titre, disons simplement que dans le premier tome il est surtout question du passé, tandis que le deuxième a lieu dans un avenir assez proche. Le dernier volume, Les Premiers-Nés, s’envolera vers des horizons plus lointains…

Au début de Tempête solaire, le soldat britannique Bisesa Dutt se retrouve chez elle, à Londres, le 9 juin 2037. Nous sommes le lendemain de son transport vers Mir, cette étrange planète jumelle de la Terre, mosaïque de régions et d’époques arrachées à l’histoire de l’humanité. Or, dans ses souvenirs, Bisesa a passé cinq ans sur cet autre monde, côtoyant des personnages comme Alexandre le Grand et Rudyard Kipling, et participant même à une bataille rangée contre la horde de Gengis Khan devant les portes de Babylone. Que signifie toute cette expérience ? Et pourquoi les mystérieuses entités connues sous le nom de « Premiers-Nés » ont-elles pris la décision de ramener Bisesa à son foyer ?

Les auteurs ne nous accordent guère de répit pour considérer ces énigmes, car, ce même jour, une éruption solaire d’une puissance inouïe provoque un orage géomagnétique sur toute la Terre, entraînant des pannes de courant et des défaillances informatiques désastreuses. On comptabilise des milliers de morts dans des incendies, des accidents de voitures, des avions écrasés et d’autres tragédies. Mais le pire est encore à venir. Un astrophysicien, Eugène Mangles, avait non seulement prédit cet événement mais aussi déterminé sa cause immédiate : une anomalie au cœur de notre soleil. Une espèce de bombe à retardement qui menace encore de relâcher dix mille fois plus d’énergie que l’éruption précédente. En d’autres termes, l’extinction massive de presque toute forme de vie sur Terre. Les analyses du docteur Mangles lui permettent même de préciser la date de cette prochaine tempête solaire : le 20 avril 2042.

Les scientifiques et les décideurs politiques se mobilisent, d’abord pour trouver un dispositif capable de protéger notre planète des effets les plus nuisibles de ce coup d’éclat, puis pour le mettre en place. Ce plan exige une part considérable des ressources terrestres ainsi qu’un rassemblement de volontaires sans précédent dans l’histoire de l’humanité. Ceci afin de gagner la course contre la montre qui a démarré, et assurer que tout soit prêt dans moins de cinq ans.

Si le récit prend l’allure d’un bon roman-catastrophe avec des astronautes héroïques qui s’escriment dans l’espace pour sauver le monde, Clarke et Baxter injectent des doses de réalisme qu’il n’est pas coutume de voir dans ce genre d’affaire. D’abord sur le plan scientifique, avec un cours magistral sur les processus qui couvent sous la surface du soleil. La parade technique qu’ils imaginent pour mettre la Terre à l’abri est fascinante dans ses détails et fait appel à certaines inventions que les fans reconnaîtront d’autres romans signés par maître Clarke.

Les auteurs ne négligent pas non plus les dimensions politiques et sociales d’une telle crise. Leur aperçu de la Terre du milieu du XXIe siècle est intéressant car il démontre comment l’interconnectivité et la maîtrise de l’information – notamment avec l’avènement des IA, dignes cousins de HAL 9000 – permettraient de relever un tel défi. La classe politique semble avoir gagné aussi de la maturité au cours des trois décennies à venir, évolution sans doute liée au fait que les femmes occupent désormais presque toutes les postes de commande. Mais Clarke et Baxter ne font pas preuve d’optimisme béat : par égoïsme ou nationalisme myopes, certains individus, certaines nations, vont faire défection à l’effort commun, et des fanatiques religieux guettent la moindre occasion pour mettre des bâtons dans les roues. Toujours est-il que ce deuxième tome constitue une affirmation splendide que l’humanité saura surmonter les difficultés sur son chemin… et comme on pouvait s’y attendre de la part de ces deux chantres de l’ère spatiale, que les solutions à la plupart des problèmes terrestres se trouvent… là-haut.

Mais cette odyssée est encore loin de prendre fin. Bisesa Dutt reste persuadée que son aller-retour sur Mir, la veille même de l’éruption précurseur du 9 juin 2037, ainsi que toute cette histoire d’anomalie au cœur du soleil, ne peuvent être pure coïncidence. Elle arrive, non sans mal, à convaincre quelques scientifiques à prendre ses soupçons au sérieux et à chercher des indices d’une intervention malveillante d’origine extraterrestre. Mais si les Premiers-Nés existent, qui sont-ils ? Que veulent-ils et ont-ils dit leur dernier mot ? Un troisième round s’impose, donc, et je donne rendez-vous de nouveau aux lecteurs l’année prochaine pour Les Premiers-Nés. Face à de nouveaux périls et au cours de voyages vers des mondes encore plus étranges, Bisesa et ses camarades devront résoudre tous ces mystères…

 

Tom Clegg                       

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