Par Paul Herbert

 

Vous avez sûrement entendu parler à tout va de cette grosse créature tentaculaire et terrifiante qu’est Cthulhu ! Il faut dire que quand on pense à Lovecraft, le premier nom qui vient à l’esprit, sans pourtant pouvoir le prononcer, est celui de ce monstre marin absolument pas mignon et terriblement poulpesque.

Et je vous vois… oui c’est bien de vous que je parle, fanatiques Bragelonniens… Je vous vois faire ce raccourci dès qu’on évoque l’immense présence de son créateur, saint-patron de notre grande maison, je parle bien sûr de Lovecraft. Howard Philipp de son petit nom.

Oui, d’accord, je l'avoue, chez Bragelonne, on est aussi coupables que vous… Sinon plus. On n’a pas trois modèles réduits (enfin d’1,50 m quand même !) du bougre dans nos bureaux pour rien ; et il est de notoriété publique que nous leur vouons un culte fanatique dans l’atmosphère viciée de nos bureaux.  Mais voilà, le plus connu des Grands Anciens fait de l’ombre à toutes les superbes créatures qui peuplent le mythe d’une richesse absolue imaginé par Lovecraft. Alors pour réparer nos torts, et les vôtres en passant, voici une liste de neuf autres compagnons horrifiques du monstre pieuvre et où vous pourrez les croiser dans l’œuvre du maître.

 

Dagon

 

Les Carnets Lovecraft : Dagon illustré par Armel Gaulme

 

Pour le premier de nos compagnons horrifiques, on reste dans le poisseux, dans l’écailleux, dans le gigantesque et dans le très marin. Avec ça, Cthulhu ne va pas vous manquer. Dagon, est un Profond, un très grand spécimen de Profond même. Appelée “Père Dagon” par les créatures mi-humaines mi-poissons qu’il a engendrées dans les eaux sombres, il règne sur elles avec “Mère Hydra” qui n’a pas à pâlir pour sa taille.  Vous le pensez imaginaire ? Détrompez-vous, les signes des cultes voués à ce monstre de cauchemar courent sur toute la surface du globe parmi les restes des civilisations éteintes : Sumériens, Phéniciens, Cananéens, Philistins… ils ont tous vénéré ce Grand Ancien à l’apogée de leur histoire.

Dans l’œuvre de Lovecraft, cette créature apparaît d’abord dans la nouvelle éponyme Dagon écrite en 1919 et illustrée très récemment par Armel Gaulme chez nous mais aussi dans la nouvelle Le Cauchemar d’Innsmouth.

Si vous croisez un jour une personne à la peau un peu visqueuse, aux yeux voilés, aux doigts légèrement palmés ou à l’étrange queue de poisson, méfiez-vous, vous êtes sûrement en présence d’un des adorateurs de ce dieu des profondeurs !

 

Azathoth

 

Cthulhu : Les Créatures du Mythe, illustrations Loïc Muzy, Claire Delépée, Mariusz Gandzel

 

Impossible à décrire, encore plus dur à concevoir, Azathoth est connu chez nous sous bien des noms : le Sultan des Démons, le Seigneur de Toutes Choses, le Chaos Nucléaire, le dieu aveugle et idiot... Voilà qui n’augure rien de très bon. Cet être monstrueux, premier parmi les Grands Anciens, se tient au centre des univers et de leur chaos, régissant temps et espace et présidant aux destinées humaines.

S’il est un dieu dans la cosmogonie de Lovecraft qui représente de la manière la plus évidente et prégnante sa vision du monde, c’est bien Azathoth, le dieu stupide, indifférent et aveugle qui donne au monde qu’il a créé son insignifiance notoire et son absurdité. Si vous en doutiez, je vous le confirme : personne ne vous entend prier, et ne cherchez aucune réponse à l’existence, il n’y en pas.  

Ce monstre à qui on doit tout de même notre existence et qu’on devrait quand même appeler Dieu en dépit des apparences, est né sous la plume de Lovecraft en 1919 dans une note écrite par l’auteur à lui-même qui disait : “ Azathoth - Nom hideux”. Au moins, c’est clair.  Azathoth a ensuite trouvé le chemin de la nouvelle La Quête Onirique de Kadath l'inconnue. Parce que même quand vous dormez, vous ne pouvez pas lui échapper !

Si vous souhaitez le rencontrer pour lui poser vos questions existentielles et ne pas recevoir de réponse, vous le trouverez au centre de notre univers vautré au milieu d’un cercle de danseurs amorphes, bercé par le son d’une flûte démoniaque.

 

Nyarlathotep

 

Cthulhu : Les Créatures du Mythe, illustrations Loïc Muzy, Claire Delépée, Mariusz Gandzel

 

Jusqu’à maintenant, je vous ai présenté des dieux qui dorment, des monstres qui roupillent. Mais s’il y a une entité dans le panthéon de Lovecraft, qui est vivante et bien active, c’est Nyarlathotep à n’en pas douter. Vous voulez savoir à quoi il ressemble ? C’est simple, laissez votre inconscient travailler, Nyarlathotep aura l’apparence que vous avez imaginée sans le savoir. Angoissant, n’est-ce pas ?

Parce que c’est quand même vachement plus sympa d’avoir une foultitude de formes pour nous parler à nous autres, mortels stupides, Nyarlathotep a été aperçu sous bien des identités sur Terre. Certains l’ont connu sous l’apparence d’un homme mince et élégant semblant à peine avoir trente-cinq ans, d’autres l’ont rencontré sous les traits du Pharaon Noir rassemblant foule de partisans à travers le monde, d’autres encore l’ont vu dans la forme de l’Homme-Noir présidant au culte des sorcières… Vous l’avez compris, le dieu a mille visages, mille peaux qu’il emprunte au gré de ses envies, revêtant parfois des formes plus monstrueuses comme celles d'une gigantesque créature aux ailes de chauve-souris avec un seul œil à trois lobes ou d’un démon noir difforme à corps de sanglier, un peu comme vos amis après une soirée bien arrosée. 

Si la plupart des Dieux Extérieurs, à l’image d'Azathoth vivent dans l’exil aux confins de l’univers, Nyarlathotep n’hésite pas à fouler notre très prosaïque sol terrestre et celui plus éthéré des contrées du rêve.  Messager des dieux fourbes, serviteur d'Azathoth, Nyarlathotep est en quelque sorte leur exécuteur sur Terre et dans les rêves, s’occupant des affaires courantes en leur absence prolongée. Entre Hermès et Dyonisos, Nyrlathotep cache en fait notre peur suprême de l’altérité et le règne que cette peur exerce sur nos vies : “A Nyarlahotep, le puissant messager, tout doit être rapporté. Et il prendra la ressemblance des hommes, le masque de cire et la robe qui dissimule”, ainsi parlait Lovecraft de ce dieu fascinant dans la nouvelle Celui qui chuchotait dans le Noir où vous pourrez le retrouver. Sa présence plane aussi en ombre néfaste sur tout Le Cycle du Rêve de Lovecraft.  

 

Yog-Sothoth

 

Cthulhu : Les Créatures du Mythe, illustrations Loïc Muzy, Claire Delépée, Mariusz Gandzel

 

Retour aux Grands Anciens avec Yog-Sothoth. Sous ce nom très facile à prononcer, se cache en fait un des Dieux Extérieurs qui, comme Azatoth, s’est retrouvé emprisonné dans le chaos extérieur. Vous voulez en savoir plus ? Voici ce que Lovecraft en dit dans la nouvelle L’Horreur à Dunwich :

“Yog-Sothoth connaît la porte. Yog-Sothoth est la porte. Yog-Sothoth est la clé et le gardien de la porte. Le passé, le présent, le futur, tous sont un en Yog-Sothoth.”

Pas super clair n’est-ce pas ? En fait, tout laisse à penser que Yog-Sothoth serait un dieu omniscient qui observerait l’espace et le temps en dehors de l’univers et de ses contraintes physiques. Le dieu a quand même son nom dans le Necronomicon, ce qui n’est pas rien, avouons-le, et en plus on l'évoque comme étant le “tout-en-Un et Un-en-Tout”, une entité infinie et limitée à la foi en sommes. Toujours pas clair ? Pour moi non plus. 

Une chose est sûre en tout cas, les intentions de Yog-Sothoth à notre égard, pauvres membres de l’espèce humaine n’ont pas l’air des plus radieuses et ce n’est pas sa forme “normale” si on peut l’appeler ainsi qui changera votre avis avec son accumulation de globes brillants aux grands yeux et aux longues vrilles.

 

Hastur

 

Cthulhu a un Demi-frère et son petit nom c’est Hastur. Rejeton le moins maléfique de Yog-Sothoth, Hastur l’Indicible est un Grand Ancien  qui vit près d’une étoile du système Aldebaran. Avant d’appartenir au panthéon Lovecraftien, Hastur est déjà apparu dans une nouvelle d’Ambrose Bierce Haîta le Berger en 1893. Comme un hommage, Lovecraft a mentionné son nom dans la nouvelle Celui qui chuchotait dans les ténèbres avant qu’il ne prenne une vie propre sous la plume de Derleth, l’éditeur et super fan autoproclamé de Lovecraft qui a poursuivi son œuvre après sa mort (en bien ou en mal, selon les personnes à qui vous demanderez).

L’ombre d’Hastur sur le mythos n’en est que plus mystérieuse, certains faisant de lui le Magnum Innominandum du Necronomicon : celui dont il ne faut pas parler !  C’est pour ça que je n’en dirai pas plus...

 

Shub-Niggurath

 

Cthulhu : Les Créatures du Mythe, illustrations Loïc Muzy, Claire Delépée, Mariusz Gandzel

 

Connue aussi sous le doux nom de Chèvre Noire des Bois aux Mille Chevreaux, Shub-Niggurath reste une entité très mystérieuse qui n’est évoquée qu’au détour d’une phrase dans Horreur à Dunwich sous l’exclamation “ Iä! Shub-Niggurath!”.  Dans toute l’œuvre de Lovecraft, elle ne sera jamais décrite. On se la représente généralement comme une masse nuageuse en constante transformation et dans laquelle on devine force tentacules, gueules béantes et pattes de chèvres. Je sais : classe !

Seule divinité “féminine” des Dieux Extérieurs, elle évoque une fertilité corrompue et malsaine. Malgré cela, c’est elle qui est la plus ardemment vénérée à travers notre monde, parce que voilà…

 

Les Très Anciens

 

 Les Montagnes Hallucinées illustré, François Baranger

 

Parce qu’il n’y a pas que des Grands Anciens et des Dieux Extérieurs dans la vie, parlons un peu des grandes races extraterrestres qui peuplent l’univers de Lovecraft, et qui n’hésitent pas à se mettre joyeusement sur la gueule dès que possible et de préférence sur Terre, sinon ce n’est pas marrant. Commençons par les Très Anciens, à ne pas confondre avec les Grands Anciens. Eh oui, la taxinomie des trucs vieux et très grands, c’est vite compliqué dans l’univers de Lovecraft !

Ces créatures ont colonisé la Terre bien avant que nous foulions son sol il y a un milliard d’années. Elles sont décrites avec force détails dans Les Montagnes Hallucinées très récemment illustré chez nous par le génial François Baranger. Imaginez-vous, une créature pas vraiment animale, pas vraiment végétale, des ailes membraneuses, des appendices, un torse en tonneau, deux mètres quarante de long, un épais cou bulbeux portant des sortes d’ouïes, qui se poursuit en une tête épaisse et bouffie en forme d’étoile de mer à cinq branches recouvertes de cils drus avec une ouverture au centre pour respirer.  Vous arrivez à le visualiser dans votre tête ? Moi non plus.

Ne vous laissez pas berner par cette description, malgré leur forme frustre au premier abord, ces créatures à l’intelligence redoutable ont développé une technologie extrêmement avancée. Sur la Terre, les Anciens (comme on les appelle aussi) ont construit des villes gigantesques et sont sûrement responsables de l’apparition de la vie sur Terre. Ce n’est pas comme ça que vous imaginez Adam et Eve, n’est-ce pas ? Ils ont créé une race d’esclaves appelés Shoggoths, leurs créatures à tout faire. Mais pas de bol, les Shoggoths se sont rebellés et avec la chute progressive des températures sur Terre durant une des nombreuses ères glaciaires qui ont marqué sa vie géologique, la civilisation des Très Anciens s’est effondrée. 

Leurs villes gisent dans les profondeurs du permafrost, si vous voulez vraiment les rencontrer, je vous engage à aller faire un tour en Antarctique  où il paraitrait qu’une de leurs villes gît sous la neige.

 

Les Shoggoths

 

Cthulhu : Les Créatures du Mythe, illustrations Loïc Muzy, Claire Delépée, Mariusz Gandzel

 

Après les maîtres, passons aux esclaves révoltés : les Shoggoths ont été créé par les Très Anciens avec une biologie toute particulière pour remplir avec le plus d’aisance possible les tâches ingrates déléguées par leurs maîtres. Protoplasmes informes, au corps capable d’imiter tous les aspects, organes et actions, ce sont eux qui ont bâti les villes des Très Anciens avant de massacrer leurs maîtres. Immortels et patients, ils ont attendu le meilleur moment pour passer à l’action semblerait-il.

 Vous pourrez les retrouver dans plusieurs récits du mythe de Cthulhu, notamment dans Les Montagnes Hallucinées, Le Cauchemar d'Innsmouth ou Le Monstre sur le Seuil. Dans notre monde, certains d’entre eux subsistent encore en Antarctique, dans les profondeurs des océans et peut-être même parmi vous comme vous pourrez le constater dans la nouvelle Celui qui hante les Ténèbres de Lovecraft !

 

Ceux de la Grande Race de Yith


Cthulhu : Les Créatures du Mythe, illustrations Loïc Muzy, Claire Delépée, Mariusz Gandzel

 

En plus des Grands Anciens (Cthulhu et confrères), des Très Anciens et de leurs Shoggoths (dont je viens de vous parler), la Terre abritait il y a très longtemps une autre race sentiente, la Grande Race de Yith. Alors si vous pensiez que les Très Anciens étaient déjà vachement intelligents et potentiellement très dangereux, accrochez-vous, parce que les Yithiens (comme on les appelle aussi) sont déjà sur un niveau supérieur.

 Déjà ils ne viennent pas de la Terre, ils sont originaires d’un monde au bord de la désolation qui n’existe plus aujourd’hui.  Ils sont arrivés tout droit d’une planète très éloignée en échangeant leur conscience à travers le temps et l’espace avec d’autres créatures qui vivaient déjà sur Terre, leur permettant ainsi d’échapper à l’Apocalypse. Parce que oui, non seulement les Yithiens sont capables de voir à travers l’étendu du temps, mais en plus ils peuvent échanger leur conscience avec d’autres créatures quitte à les laisser crever dans leurs anciens corps quand la situation est plus que désespérée pour eux. Ils ont donc élu domicile dans leurs nouveaux corps terriens il y a quelques centaines de millions d’années, laissant les précédents occupants faire face à un destin implacable et funeste à mille années lumière de leur monde d’origine. Les Yithiens sont donc devenus d’immense cônes striés de trois mètres auxquels se trouvaient fixés une tête et d’autres organes extensibles.

Mais voilà, ils n’étaient pas les seuls sur Terre à cette époque, les Très Anciens étendant déjà leur emprise sur notre toute jeune Terre et une autre race les Polypes Volants se dressant sur leur passage. Fatalement, une guerre éclata entre les races extra-terrestres conduisant les Yithiens à une fin inexorable quoi que prévue grâce à leur capacité à voir dans le futur et le passé. Une fin pour leurs corps mais pas pour eux donc. Conscients de l'imminence du danger, les Yithiens ont répété leur technique qui a si bien fonctionné, projetant une nouvelle fois leurs consciences dans les corps de la race des Coléoptères, ceux-là même qui nous succèderont après le sort fatal qui nous attend face aux enfants de Cthulhu. Par cette permutation, les Yithiens ont/auront alors vaincu la mort et conquis le temps, faisant d’eux, dans l’esprit de Lovecraft, la plus grande et la plus importante de toutes les races.

 En attendant, comme ils ne sont pas limités par le temps, ils s’adonnent au vol de connaissances et aux manipulations temporelles en n’hésitant pas à permuter leur esprit avec certains êtres humains malheureux comme dans la nouvelle L’Abîme du Temps ou dans Les Montagnes Hallucinées. Mais pour les esprits captifs, pas d'inquiétude, en échange de leur coopération, ils reçoivent une certaine liberté et ne sont pas maltraités. Après tout, le Yithien à son retour devra récupérer le corps qu’il a laissé derrière lui. A la fin de l’échange, l’esprit humain, lui, est retourné à son corps et son époque, toutes ses connaissances sur les Yithiens en moins bien sûr même si des bribes demeurent dans ses rêves.

 Ainsi, si un de vos amis se comporte étrangement et évoque de grands coléoptères intelligents, ne vous inquiétez pas, il retrouvera bientôt ses esprits et vous sera retourné en presque bon état mental.

 

 

Voilà donc pour cette liste de créatures étranges et de dieux terrifiants, j’espère que la petite incursion dans l’univers de Lovecraft vous aura plu et vous donnera l’envie d’épancher votre soif de connaissances interdites aux creusets des livres du Maître de Providence. En attendant, je vous laisse ; j’ai proféré bien des noms interdits et je commence à voir sur mon chemin les signes étranges d’une attention néfaste. Vous pourrez peut-être me retrouver dans les étendues glaciales de nos réseaux sociaux, si mon esprit n’est pas brisé d’ici là !

 

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